Winrich Kolbe / Réalisateur
Winrich Kolbe a le mérite et la gloire d'avoir piloté davantage d'épisodes de STAR TREK que n'importe quel autre réalisateur. Nous évoquons avec lui l'époque qu'il a vécue avec STNG.
Winrich (Rick) Kolbe a fait ses débuts à la réalisation avec « L'emprise du silence », l'épisode de la deuxième saison de STNG : « Il s'est trouvé que nous nous apprécions tous, et à partir de ce moment-là, je n'ai plus cessé de tourner pour Star Trek ! » se souvient-il. « J'avais vu quelques épisodes de la série classiques, et je savais par ailleurs ce qu'était de la science-fiction, mais pas du space opéra. Par chance, tout est rapidement devenu plus clair sur la question pour moi. »
L'équipe scénaristique n'était pas encore tout à fait formée, mais les acteurs, après une saison inaugurale passée à prendre leurs marques, multipliaient les suggestions, apportant à un scénario un nouvel éclairage.
- « Brent Spiner en est le parfait exemple, explique Rick. C'est stupéfiant ce qu'on peut faire avec juste trois ou quatre mots. Un jour, il a pris une ligne de dialogue, l'a interprétée de différentes façons, puis m'a demandé laquelle avait ma préférence. C'est un acteur très doué, enclin à la créativité. Avec un personnage comme Data, nul ne savait vraiment par quel bout le prendre. C'est Brent qui lui a donné vie et l'a étoffé. Dans une série télévisée, c'est précisément la marque d'un grand interprète. Au cinéma ou sur scène, ce n'est pas du tout la même approche.»
Dans l'ensemble, les réalisateurs se sont accommodés du bonheur douteux de devoir passer beaucoup de temps sur la passerelle de l'U.S.S. Enterprise NCC-7701-D : aussi beau que soit le décor, le rendre aussi intéressant dans la durée était un vrai défi.
- « On s'efforçait de trouver de nouveaux angles de prises de vue, ce qui fait d'ailleurs tout le sel d'une réalisation télévisée. Il faut être vif et ne pas s'obstiner dans ses erreurs, chercher toujours à innover. On ne peut qu'espérer que l'interprétation et les dialogues sauront faire oublier au public tout ce que le décor et la scène ont de si familiers. Cela dit, il n'y a pas une infinité de prises de vue, ni une infinité de façons de tourner. Au fond, on filme tout comme au théâtre dans la mesure où pivoter est le plus souvent hors de question. Donc, de la façon dont le plateau était aménagé, dès qu'un acteur s'asseyait à la console technique ou scientifique, il se retrouvait dos à l'action. Si on voulait voir son visage, il fallait trouver le moyen de filmer la scène sans que l'écran de visualisation n'entre dans le champ.»

Naturellement, il fallait aussi compter avec les secousses qui ébranlaient le vaisseau lors des fréquentes attaques. Tout le monde devait alors s'agiter sur son siège.
- « C'était toujours un peu idiot, il faut espérer que cela ne s'est pas trop vu à l'écran ! s'exclame Rick. Les acteurs ont mis au point tout un système : nous avions "secousse une", "secousse deux" et "secousse trois", avec des signaux correspondants à la clé. Si par exemple le vaisseau donnait de la gîte à bâbord, tout le monde devait se pencher vers la droite, sauf ceux qui étaient dos à la caméra bien sûr, et qui eux devaient s'incliner à gauche! Bref, c'était l'occasion d'alléger l'atmosphère par des rires.»
L'année suivante, Will Wheaton alias Wesley Crusher tenait la vedette dans «Évolution ».
- « C'était un épisode intéressant, et les nanites se répandent toujours dans tout l'univers… ! Wil avait de l'expérience, et je l'appréciais parce qu'il ne se croyait pas arrivé, comme la plupart des jeunots de son âge. En général, les gamins sont mignons, mais dès que leur voix mue, ils deviennent des "acteurs" avant tout, et ils s'y croient ! Lui n'est jamais tombé dans ce travers, ce qui était très agréable. »

Un enfant plus jeune encore a fait son entrée en scène dans « Filiation », quand Worf devenait le frère par adoption du petit orphelin Jeremy Aster, lors de la cérémonie du R'uustai Klingon.
- « Un enfant aussi jeune pose problème visuellement parlant, remarque Rick, dans la mesure où il est précisément de si petite taille, comparé aux adultes. Dans ces cas-là, comment tourner un plan moyen à deux personnages ? On est tenté de filmer en contre-plongée, avec le petit au premier plan. Mais parfois, on a besoin que l'adulte occupe cet avant-plan. Cela devient quelque peu problématique. »
Ce qui fut plus facile à filmer, c'était la chambre, dans «Allégeance», où Picard se retrouvait détenu avec d'autres victimes de rapt.
- « C'était intéressant... Un genre de plateau en forme de beignet, où l'on ne peut pas réellement faire évoluer la caméra. S'il faut en plus se soucier du positionnement des éclairages, la scène devient très statique. Mais Marvin [Rush, le directeur de la photographie] m'a fourni un plateau à éclairage intégré pourrait-on dire, avec des lumières encastrées. Tout en était grandement facilité ! Et ce jour-là, nous avons fini largement dans les temps ! »
Le premier épisode que fit Rick pour la quatrième saison fut « L'enfant stellaire », où l'on voyait Junior, le bébé du cosmos cramponné à la coque de l'Enterprise pour mieux en drainer l'énergie. La créature en question était l'oeuvre de l'équipe des effets spéciaux, et dans ce domaine-là, Rick n'avait pas de contribution particulière à apporter.

- « En général, les réalisateurs ne se mêlaient pas des trucages. En partie parce que ceux-ci sont des ajouts en fin de parcours. Les effets spéciaux interviennent si tardivement dans une œuvre que le plus souvent, le réalisateur est déjà passé à autre chose. En tout cas, il a d'abord été question d'un bébé ayant l'apparence d'une baleine échouée ! Désolé, mais une grosse flaque sera toujours une grosse flaque. Il fallait donc ajouter beaucoup de détails pour que la créature s'anime et ait l'air de quelque chose. D'ailleurs, je ne crois pas que le problème ait été vraiment résolu, mais le résultat final fut néanmoins très satisfaisant. A vrai dire, on a injecté tellement d'argent dans ce "bébé" que du coup, tout le reste de l'épisode a dû être produit à très faible coût ! »
Dans « Crise d'identité », Rick pensait être confronté à un problème d'un genre différent avec la métamorphose du personnage de LeVar Burton, le Lieutenant Commander Geordi La Forge, en un Alien de type reptilien par le truchement de quantité de prothèses.
- « Je me suis inquiété quand quelqu'un a lancé que LeVar était claustrophobe ! Là, je crois bien que tout le monde s'est un peu affolé. Mais à ce moment là, LeVar m'a assuré qu'au contraire, il adorait son déguisement. Je lui ai alors demandé s'il avait le moindre problème, physique, émotionnel ou psychologique, avec cela. II m'a lancé un regard éloquent, qui voulait dire "non". Quoi qu'il en soit, on a suffisamment espacé les prises pour qu'il ne reste pas toute une journée en costume. On se limitait à une matinée ou à une après-midi, pour qu'il ait le temps de souffler entre deux prises. »
L'éclairage optimal du plateau, compte tenu du déguisement de La Forge aux ultraviolets, fut un sacré casse-tête.
- « Nous avions des transformateurs et un système de lumière noire, encore que l'utiliser tel quel était exclu. Sans être un technicien en la matière, je crois que si l'obturateur de la caméra s'aligne sur l'effet de scintillement de l'éclairage, il n'y aura plus d'effets spéciaux possibles. En temps normal, la lumière noire, c'est précisément cela. Et même quand on tourne avec de la pellicule rapide, on se retrouve avec rien d'autre que des scintillements bleuâtres. Il fallait donc augmenter cela par des éclairages réguliers, autrement dits, diminuer la puissance de la lumière noire. Mais c'était tout à fait courageux, et je dois féliciter Marvin Rush sur ce coup-là. »
L'année suivante, « Darmok » fut un favori de Rick :
- « C'était mon épisode le plus amusant à réaliser. Étrange aussi, mais il y avait là un véritable obstacle à surmonter, alors que très souvent, les histoires n'en ont pas. Elles se contentent de serpenter, disons... En ce qui me concerne, de tous les épisodes que j'ai visionnés et réalisés pour Star Trek, c'est le haut du panier. Un épisode magnifique et excentrique. »

Un défi majeur consistait à mettre en scène les combats livrés contre la créature quasiment invisible vivant sur El-Adrel IV.
- « II n'était pas question de piquer une crise avec cela, se rappelle Rick. Avant tout, ce prédateur était censé être redoutable. Il fallait donc que tout se déroule très vite. L'histoire tournait autour d'un maître mot : communiquer. En vue du combat, il s'agissait donc d'établir au préalable le scénario maquette pour chaque angle de prise de vue, toujours avec un souci de rapidité, car l'angle changeait constamment. En général, je ne balise pas ce genre de chose sur le story-board, car je préfère voir la scène se dérouler d'elle-même. Nous avons de bons arrangeurs de cascades, et je sais à peu près ce qui doit se passer. II y a toujours des éléments à insérer, des accessoires à faire valoir en fonction du déroulement de l'intrigue, mais sorti de là, j'aime que tout se déroule le plus librement et le plus naturellement possible. »
Rick fut moins satisfait de l'épisode suivant qu'il réalisa la même année : « La société modèle».
- « Pour moi, l'intrigue était "parfaite". Du coup, j'ai sans doute négligé certaines choses. C'était pourtant mon rôle comme réalisateur. Sans tout remanier, j'aurais dû intervenir ici et là. Une histoire intéressante aurait été une société modèle fondée sur une erreur grossière. »
Quelques semaines plus tard, dans «Le prix d'une vie », Lwaxana Troi, plus vraie que nature, se préparait à convoler en justes noces avec l'heureux élu. Et au début de la sixième saison, sa fille, le conseiller Deanna Troi, rencontrait quelques problèmes dans « Le tribun », quand l'ambassadeur Ves Alkar l'utilisait comme réceptacle des émotions mauvaises qu'il lui transférait, afin de préserver ses propres dons. A la fin de cette même année, les Klingons effectuaient leur retour dans « Droit ancestral », première partie, autre épisode réalisé par Rick.
- « A mon arrivée, les Klingons avaient développé leur personnalité bruyante et tapageuse ! Je n'avais donc plus qu'à suivre le mouvement Ce type de personnage n'en fait jamais trop. Je dois aux Klingons mes plus belles réussites dans le métier. »
Plus tard, au cours de la même année, il a de nouveau eu l'occasion de travailler avec des guerriers de l'empire dans « Héritier légitime ».
- « J'appréciais le personnage de Kahless. Toutes ces brumes envahissant le plateau me plaisaient. Pas seulement comme effets de caméra mais parce que cela conférait à l'ensemble une certaine mystique ! »
Dans la saison de clôture, le Lieutenant Commander Data tenait la vedette dans «Contaminations» où, échoué sur une planète primitive, il ignorait tout de sa propre identité.

- « Brent est quelqu'un de vraiment stimulant. Avant tout, il est extrêmement drôle ! »
A la toute fin de la septième saison, Rick a eu l'honneur de réaliser l'épisode de clôture de STNG «Toutes les bonnes choses... », qui fut récompensé.
- « Cette année-là est passée à toute vitesse du fait que j'étais chargé de mener à bien le grand final de la série. Après quoi j'ai enchaîné avec une production télévisée pour CBS, puis je suis revenu tourner le pilote de Star Trek Voyager : "Le pourvoyeur". J'avais toujours souhaité travailler avec John de Lancie, et j'en avais enfin l'occasion. Ce fut une expérience merveilleuse. L'homme est cinglé, mais qu'est-ce qu'on s'amuse avec lui ! »
La célèbre dernière prise de la série voyait le capitaine Jean-Luc Picard se joindre enfin à la partie de poker habituelle des autres officiers supérieurs du vaisseau.
- « Je ne sais plus si c'est bien la dernière scène que nous ayons tournée ou pas, mais je me rappelle en tout cas que ce fut pendant le dernier jour de tournage. J'étais finalement devenu un réalisateur digne de ce nom et j'ai demandé aux machinistes d'ouvrir le plafond du plateau pour y faire passer ma grue. Ce plateau était supposé servir dans une séquence d'ordre mineur du film "Star Trek Générations" qui était alors en préparation, mais j'ai tout de même eu le feu vert dans la mesure où il allait bientôt être aux trois quarts démoli. C'était un sacré bon script, et le final fut un de ces moments de bravoure dont on rêve toujours. »
