JOHN DE LANCIE

De Lancie 1 

À l'ouverture de la Tournée Mondiale de STAR TREK (The STAR TREK World Tour), nous retrouvons John de Lancie et nous évoquons avec lui son interprétation du malicieux Q en onze épisodes de STAR TREK, un jeu d'ordinateur et une visite à bord de l'U.S.S. ENTERPRISE NCC-1701-D.

John de Lancie 1.

John de Lancie joue le virtuellement omnipotent Q depuis « Le mystère Farpoint », le tout premier épisode de STNG, qui date de 1987. Et sous son regard vigilant, l'entité puérile est devenue une présence complexe et constamment déconcertante, repoussant les limites des capitaines Jean-Luc Picard, Benjamin Sisko et Kathryn Janeway. Mais il y a des années, lorsque John lut le scénario du « Mystère Farpoint », Q n'était pas à proprement parler ce personnage aux multiples facettes que nous en sommes tous venus à connaître et à aimer. En fait, à l'époque, John a pensé que Q serait un personnage transitoire.

John de Lancie : « Je ne suis pas certain que Gene Roddenberry ait eu une idée très claire de ce que Q pouvait être. A mon avis, pas vraiment. Puisqu'il ne s'agissait pas a priori d'un personnage récurrent, il n'y avait pas besoin de définir un arrière-plan, une chronologie quelconque, un développement scénaristique concernant son avenir, ou quoi que ce soit du même style. J'ai simplement fait ce qu'il fallait pour donner corps au personnage dans les limites de ce créneau temporel. Je ne vois pas à quoi servirait de jouer sur ce qui se passe en coulisse, et dans ces cas-là, le mieux que vous ayez à faire c'est d'y aller franco avec le peu d'éléments dont vous disposez, en l'occurrence, mon jeu devait être le plus flamboyant possible, puis de passer à la suite.»
 
Une des raisons majeures pour lesquelles John avait choisi de mettre l'accent sur les côtés extravagants de Q, c'était d'offrir un contraste saisissant par rapport au jeu impassible de Patrick Stewart dans la peau du Capitaine Jean-Luc Picard. Comme il l'explique, si ce dernier avait été un genre différent de capitaine, se rapprochant peut-être un peu plus de James T. Kirk, Q aurait en conséquence été un type de méchant bien différent aussi.

John de Lancie : « Si Picard avait été interprété de manière flamboyante, je serais allé en sens inverse. En partant travailler, j'emmène tous mes "outils" avec moi en ignorant à l'avance lesquels il me faudra. Si mon partenaire s'avère être très haut en couleur, alors, je serai fade. Inversement, si mon partenaire est fadasse, je serai haut en couleur. Cela fait partie de la dynamique du jeu. Si Picard avait été dans la position de vouloir jouer, nous aurions tourné des scènes très différentes. »

Un comédien,  Q militaireexplique John, peut exercer une énorme influence sur la façon dont un personnage sera présenté, créant parfois quelque chose de très différent de ce qui semblait être dans le script...

Cela ne veut pas dire forcément qu'il change des lignes de dialogue, mais plutôt qu'il s'efforce de créer la surprise, en tournant ses scènes de façon inattendue.

John de Lancie : « La meilleure façon dont je pourrais le décrire est la suivante : coupez le son et vous verrez la différence entre ce qui est écrit et ce que je fais. C'est le cas avec n'importe quel comédien. Ai-je changé des mots ? Non. Ai-je tenté quelque chose avec ? Oui. Le scénario, c'est un plan, une indication, une suggestion. A l'instar d'une rivière, il part dans une certaine direction. Vous ne pourrez nager à contresens qu'un certain temps avant de devoir finalement vous laisser aller avec le courant. Vous n'y pouvez strictement rien, c'est un fait. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'y a pas tout un tas de figures de patinage qu'on ne puisse tenter en cours de route... La plupart du temps, je me contente de jouer avec les implications du dialogue. Voyez par exemple, ce n'est pas parce que je dis : "Je t'aime" que le public a besoin d'y croire ne serait-ce qu'un instant. Et même si c'est ce que l'écrivain voulait peut-être, à la base. Le problème est le suivant : si vous vous bornez à lire votre texte, à faire ce qu'on attend de vous, le public peut très bien se sauver, aller s'acheter un sandwich, revenir et vous, vous serez encore à faire ce qu'on attend de vous. En revanche, si vous trouvez l'occasion de créer la surprise, plus personne n'aura envie de se sauver, tout le monde vous écoutera, cloué à son siège. »

Des registres surprenants

Maintenir l'intérêt du public à un niveau superficiel n'est pas la seule raison qui ait poussé John à rendre le personnage de Q si déconcertant. Il estime également vital d'étoffer son personnage, d'en faire autre chose qu'un simple méchant de service.

Q & Picard

John de Lancie : « Quand on interprète un scélérat, la clé du succès est à mon avis en rapport avec l'idée que ce qu'on a à offrir est valide. II faut titiller le public en ce sens, l'intriguer... l'amener peu à peu à se dire : "Eh bien oui, je sais que ce qu'il raconte est vrai. Je ne l'aime pas, lui et sa façon d'aborder les choses, mais tout ce qu'il dit n'est pas faux." Aucun individu malveillant ne se lève le matin en se demandant : "Jusqu'où serai-je méchant aujourd'hui?" D'un point de vue purement thématique, le vaurien ou le traître est là pour que le héros ait l'air meilleur en comparaison. Point barre. Si l'on part de ce point de vue (le faire-valoir à tout crin), je trouve souvent les méchants inaboutis et plutôt ennuyeux. Donc, si vous interprétez un coquin et que vous lui insuffliez une détermination palpable, qu'il ait un véritable but, bref, que vous sachiez bien vous y prendre, suffisamment de gens dans le public commenceront à saisir son point de vue. En fait, votre méchant devient une sorte d'anti-héros en y gagnant suffisamment de poids pour ne pas être cavalièrement écarté en tant qu'incarnation du mal à éliminer à tout prix – et que dans ce cas-là, plus personne ne prendrait au sérieux. »

Les scénaristes de STAR TREK ont réagi à cette approche et, au retour de l'omnipotent Q sur scène, John a constaté que les scripts commençaient à aborder le point de vue de son personnage avec davantage de sérieux et de compréhension.
 
John de Lancie : « Au fur et à mesure que les occasions se présentaient, j'ai découvert que j'étais capable de servir le scénario tout en amenant le public à en venir généralement à la conclusion que, tout flamboyant et quelque peu imprévisible que Q puisse être, mieux valait ne pas le quitter des yeux... Il restait toujours à la hauteur. Et s'il fallait choisir entre ces deux chefs, vous pouviez convaincre les gens de choisir Q parce qu'au bout du compte, nombre de ses réflexions étaient tout à fait justes. »
 
Message final
 
John de Lancie : « Le triomphe, c'est que, dans le dernier épisode (Toutes les bonnes choses ont une fin), Q était chargé d'inciter Picard à se montrer plus coulant, à se réclamer de la psychologie populaire des années 1990, du style, l'exploration ne concerne pas le monde extérieur, mais votre propre monde intérieur. II permettait de faire le lien entre le début et la fin, et l'on avait l'impression d'être devant un rude "genre d'exercice amoureux", si je puis dire. Tout bien considéré, ce cinglé de type ne l'était pas autant qu'on aurait pu le croire au début. »
 
Aller à l'encontre des intentions évidentes des dialogues n'était pas la seule technique dont John se soit prévalu pour rendre Q intéressant. Un des problèmes majeurs vis-à-vis d'un personnage omnipotent, c'est que dans la mesure où il peut tout résoudre, il devient bien difficile de susciter de la tension ou de faire planer un danger quelconque. Cela donnait à John une autre raison de souligner les côtés puérils de Q et d'insister sur sa nature imprévisible.
 
John de Lancie : « Par exemple, vous irez dire aux gens que vous n'allez pas les aider, parce qu'aujourd'hui, vous avez vraiment envie de... cuisiner! »
 
Naturellement, et John le reconnaît, le public finit par comprendre que Q ne laissera personne mourir ni ne laissera quoi que ce soit être altéré de façon définitive. Afin de maintenir la tension dramatique, il tente par conséquent de repousser aussi longtemps que possible le moment où cela deviendra vraiment clair.
 
John de Lancie : « J'essaie d'arriver à la conclusion, le fait que j'aide Picard ou autre, au tout dernier moment, je repousse le dénouement au maximum. Les gens me demandent souvent ce que cela fait de jouer un être omnipotent. Et je leur réponds que je ne joue rien de tel parce que cela ne m'avancerait à rien. En fait, j'interprète un être omnipotent qui est trop bête pour le savoir. J'interprète un être omnipotent aux pieds d'argile. C'est cela qui est amusant. Vous savez, il est trop idiot pour le réaliser…
 
…Oh, zut Il me suffit de claquer des doigts et puis soudain, à la fin des fins, il s'exclame : voilà le travail !" Mais jusqu'à cet instant, c'est une tension dramatique que vous voulez voir. »
 
Dans les premiers épisodes de STNG, John tenait aussi à mettre en avant les côtés humoristiques de Q. Les scénaristes reprirent volontiers cet aspect, mais John est d'avis qu'ils ont parfois voulu en faire un tout petit peu trop pour rendre plus drôle le premier bandit en titre de LNG.
 
John de Lancie : « Par malheur, il y a toujours un problème avec la comédie : dès que vous ouvrez la bouteille et que le génie s'en échappe, vous obtenez une situation où les gens tentent parfois de donner un tour comique à ce qu'ils écrivent. Alors que ce ne sont pas forcément des écrivains de comédie à la base. J'ai toujours maintenu qu'ils devaient écrire les scripts comme ils en ont l'habitude, et que c'était ensuite à moi d'y mettre mon grain de sel, de surgir là où l'on ne m'attend pas et de créer la surprise, plutôt que de jouer une scène de comédie traditionnelle. »
 
John pense aussi que l'humour risquait parfois de faire oublier les aspects plus sinistres de Q. Après tout, ce personnage représentait à l'origine un danger très réel pour Picard et l'équipage de l'U.S.S. Enterprise NCC-1701-D.
 
Q & PicardJohn de Lancie : « Un des gros problèmes avec l'humour, c'est qu'une fois qu'on en montre un peu, les gens en redemandent beaucoup plus. J'ai toujours maintenu que l'humour, c'est bien, à condition que tout le reste fonctionne aussi. Q est un personnage qu'on pourrait décrire le mieux comme étant cet oncle de la marine marchande qui se pointe au dîner familial au grand ravissement des enfants et à l'immense consternation des parents... On ne sait jamais ce qu'il va sortir, ni ce qu'il va faire... Certaines choses devraient être très drôles, alors que, pour d'autres, vous devez vous dire qu'il y a là des aspects assez sombres et assez préoccupants.»
 
John a tenté de montrer cette nature double, chez Q, dans tous les épisodes, et il faisait pression sur les scénaristes pour qu'ils alternent histoires amusantes et intrigues plus graves.
 
John de Lancie : «Je disais toujours que, quitte à tourner un épisode drôle, mieux valait que dans le suivant, Q se montre aussi mesquin que possible. Mais cela n'a jamais été aussi loin que je l'aurais souhaité. Cela marchait parfois assez bien de cette façon, cela dit. »
 
De façon peu surprenante, l'immense popularité de Q a fait que le personnage a survécu à l'arrêt de STNG, John jouant les vedettes invitées dans les deux sagas suivantes de la franchise, DS9 & Voyager.
 
John de Lancie : « Je n'avais pas de sentiments particuliers envers Sisko, alors que pour Janeway, en revanche... Un des problèmes, entre Q et Janeway, c'était qu'on voulait à toute force éviter une quelconque tension sexuelle. Kathryn ne devait à aucun prix me trouver séduisant, et cela enlève toute substance à nos rencontres, pourrait-on dire. Je pense que le public serait ravi d'assister à une sorte de séduisant badinage sexuel entre nous deux, étant entendu que rien ne se passera, naturellement. Prenez une scène entre deux personnages très proches, un homme et une femme... Eh bien, à la minute où ils s'embrasseront, toute tension s'envolera, bien sûr. Mais si vous reculez cet instant, la tension va continuer de grimper. Alors qu'en l'occurrence, Q et Kathryn Janeway n'en arrivent même pas à ce stade. En faisant ce choix, on s'est tout simplement privé d'un énorme ressort dramatique.»
 
John ne se préoccupait pas seulement de cette absence de tension sexuelle au nom d'une quelconque aspiration romantique. II pense au contraire que Q n'est jamais mieux que lorsqu'il tente d'en imposer à ses interlocuteurs de Starfleet, de leur jouer de bons tours. Et il est fermement convaincu qu'il existe normalement un élément de tension sexuelle dans toute compétition opposant les hommes aux femmes.
 
John de Lancie : «Avec Jean-Luc Picard et Q, le facteur est resté inchangé, et c'était facile à jouer, qui est le plus fort ? Là, on pouvait y aller à fond ! Alors qu'en ce qui concerne Janeway, cela a été entravé d'une certaine façon, en raison de ce fort désir de ne surtout pas voir Kathryn séduite par Q. J'ai vainement insisté sur le fait que, tant que nous n'échangions pas de baiser, le badinage pourrait continuer sur sa lancée. Mais cela a aussi été ramené à un jeu de pouvoir pur et simple. Qui était le plus fort? Ils (les producteurs) ont eu alors le sentiment qu'effleurer le sujet suffirait à susciter une faille chez leur personnage central. »
 
John accepte également le fait que, lors des apparitions de Q dans Voyager, le Capitaine Kathryn Janeway ait toujours eu la haute main au final, altérant légèrement la dynamique qui existait dans STNG. Là, c'était souvent Q qui donnait une leçon au capitaine Jean-Luc Picard... Si John éprouve le sentiment qu'une bataille ne devrait jamais être complètement résolue, la fierté blessée de Q ne le préoccupe pas plus que cela.
 
QJohn de Lancie : « Déterminer si l'omnipotent Q est vraiment le plus fort ou pas n'a guère d'intérêt pour moi. Voir en revanche si c'est drôle et intrigant, voilà bien tout ce qui me soucie. Mon boulot, c'est du divertissement pur. Et je ne peux même pas imaginer que quiconque puisse prétendre avoir fait telle ou telle chose parce que j'aurais été son inspiration... Les seuls que j'ai dû inspirer doivent être derrière les barreaux à l'heure qu'il est ! »
 
Cinq ans se sont écoulés depuis la dernière apparition de Q dans un épisode de Voyager intitulé « Q2 ». En dépit de l'enthousiasme de Jonathan Frakes, qui aurait très bien vu Q se produire dans un film Star Trek, John ne s'attend pas à rejouer dans l'univers de Star trek prochainement.
 
John de Lancie : « Je dirais qu'il y a plus de chances pour que je n'y revienne jamais que le contraire. »
 
La raison en est simple : il est très difficile pour les scénaristes d'envisager de nouveaux coups d'éclat pour Q.
 
John de Lancie : « Beaucoup d'écrivains considèrent qu'il est très épineux d'écrire des scènes pour mon personnage. Selon eux, l'omnipotence de Q les restreint considérablement. "Après tout, on ignore quelles sont ses limites", disent-ils.»
 
Entre-temps, John a énormément travaillé à différents projets, à commencer par la production en cassettes audio de classiques de la science-fiction. Depuis les années 1990, Leonard Nimoy et lui s'y attellent régulièrement.
 
John de Lancie : « Leonard Nimoy et moi avons une compagnie appelée "Alien Voices" ("Voix aliens"). Pour Simon and Schuster, nous avons produit des dramatiques de deux heures de La Machine à remonter le temps, Voyage au centre de la Terre, Le Monde perdu, L'Homme invisible et Les Premiers Hommes sur la Lune, ainsi que trois émissions télévisées pour Sci-Fi Channel. L'idée consiste à revenir en arrière, sur les classiques de la science-fiction, et à s'assurer que ce qui a fait du genre ce qu'il est aujourd'hui (dans toute son importance) reste intact quand on aborde encore ces histoires. »
 
John continue aussi de se produire dans d'autres programmes télévisés, tenant notamment un rôle récurrent dans Stargate SG1, Charmed et Andromeda, une série basée sur une idée de Gene Roddenberry.
 
Aussi affairé soit-il, John est néanmoins prêt à ramener Q sur le devant de la scène à la première occasion. Il a des sentiments très clairs sur la façon dont son alter ego devrait reprendre vie.
 
John de Lancie : « Quitte à ce que Q revienne, il faut que ce soit pour frapper fort ! Vous savez, terminé les bébés et tous ces fourbis! »



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